J-6 : une bonne nutrition pour tenir la distance
Contrairement aux idées reçues, la vie en mer demande beaucoup d'énergie, en particulier parce qu'elle se déroule dans un milieu où l'homme doit s'adapter en permanence pour faire face à des conditions souvent contraignantes.
Les besoins énergétiques de base du marin sont nettement augmentés avec :
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la lutte permanente contre le déséquilibre lié aux mouvements du bateau. La recherche de la verticalité engendre un travail musculaire et nerveux incessant. Plus le temps sera mauvais plus cette dépense physique sera importante.
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un sommeil plus court et de moins bonne qualité avec pour corollaire une activité physique et mentale plus importante.
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la lutte contre le froid et l'humidité;
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le mal de mer (éventuellement);
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le stress lié à de multiples paramètres (météo, difficultés techniques, dangers sur l'eau ...)
Depuis plus d’un an, un programme d’étude passe à la loupe les habitudes alimentaires des skippers.
Lancé sur la Solitaire Afflelou Le Figaro 2005 et poursuivi en avril sur la Transat Ag2r, ce programme a ouvert son troisième volet sur la Solitaire 2006. Pilotée sur le terrain par le Docteur Jean-Yves Chauve, médecin de la course pour la 20e année consécutive, cette étude a pour objectif de faire un état des lieux des erreurs que peuvent commettre les skippers en matière de nutrition et de les aider à progresser. La question de l’alimentation n'a pas été encore approfondie en voile autant que dans d’autres sports comme le cyclisme ou l'athlétisme.
La première étude menée sur la Solitaire 2005 auprès de 8 skippers avait montré que sur ce type d’épreuve - où les étapes de 2 à 3 jours s’enchaînent à cadence élevée - les coureurs sont sous-alimentés (1.500 calories en moyenne par jour au lieu des 5.000 nécessaires) et leurs apports nutritifs sont très déséquilibrés (trop de glucides au détriment des protéines). « Dans ces situations, les tendances nutritionnelles instinctives ont tendance à s’exacerber pour compenser le stress. Sur la Solitaire, la consommation excessive de sucres à assimilation rapide en a été l’une des meilleures preuves. » analyse le Docteur Jean-Yves Chauve.
Sur la seconde étude, menée sur la Transat Ag2r 2006, parmi les 4 équipages sélectionnés, 4 coureurs avaient déjà participé à la première étape ; il était intéressant de voir si ces marins reproduisaient les mêmes comportements dans cette course en double. « Nous constatons que les coureurs n’ont, là non plus, pas assez mangé. Pour gagner du poids beaucoup n’ont pas embarqué assez et ont été obligés de se rationner avant l’arrivée. Les repas ont par contre été beaucoup mieux équilibrés que sur la Solitaire. Sur une course en double, le stress est moins important et cuisiner des plats renforce la convivialité. » poursuit-il.
Sur la Solitaire Afflelou Le Figaro 2006, Jean-Yves Chauve a sélectionné un nouveau panel de 7 skippers dont 3 ont participé aux deux premières études, Samantha Davis, Jeanne Grégoire et Kito de Pavant, et 4 commencent avec ce troisième volet, Nicolas Bérenger, Jean-Pierre Dick, Franck Le Gal et Jean-François Pellet. Comme en 2005, le recensement de ce qui est embarqué au départ puis débarqué à l’arrivée de chaque étape permet de savoir exactement ce qui a été consommé par les marins. En mer, les skippers tiennent aussi un journal de bord avec la composition de leur repas et l’heure de leurs tranches de sommeil. Ils sont aussi pesés au départ et à l’arrivée des étapes et depuis la Transat Ag2r, le Docteur Chauve mesure également le taux de masse grasse qui donne une indication plus précise sur les pertes de poids.
Les premiers résultats montrent que les 3 premiers ont tenu compte des résultats des études précédentes. Ils disent avoir pris conscience de l’importance d’avoir des apports alimentaires réguliers (5 vrais repas par jour et beaucoup moins de grignotages), suffisants et bien équilibrés (moins de sucres à assimilation rapide et plus de fruits et de légumes). L'apport calorique journalier a été beaucoup plus élevé, permettant ainsi de compenser précisément les dépenses. Pour eux, cela se traduit par des coups de pompe moins fréquents, une fatigue moins marquée. Ces impressions sont corroborées par les valeurs de poids et de masse grasse qui restent stables malgré un mois d’efforts constants.
Pour les autres, certains ont perdu un peu de poids, d’autres non. Les valeurs de masse grasse sont toutes à la baisse, ce qui traduit une insuffisance d’apport. En effet, l’organisme ne trouvant pas dans les sources externes l’énergie nécessaire, est obligé de l’extraire de ses propres réserves de graisses. Ces résultats sont confirmés par l’évaluation des apports qui ont été, pour ces skippers, nettement insuffisants tout au long des étapes.
Nous avons donc ici la preuve de l’intérêt d’une nutrition bien menée lors d’efforts d’endurance de très longue durée. Le « mieux vécu » des concurrents confirmés par la constance de leurs mesures est déjà un motif de grande satisfaction.
Source : Voiles news / Programme Bel Sport & Nutrition
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